Félix Dobaire, réalisateur

DE HOLLYWOOD À LA FÉMIS (*) : LES IA STRESSENT LE MONDE DU CINÉMA

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C’était le grand sujet du dernier Festival de Cannes. Le Cinéma est déjà largement infiltré dans toute la chaine du cinéma, depuis le scénario (un sujet de stress intense dans la communauté à Los Angeles) jusqu’à la production et même le jeu des acteurs. Ainsi, le « de-aging » permet de rajeunir un acteur grâce à des effets générés par une IA. Une technologie déjà utilisé par Lucas Film dans le dernier Indiana Jones. La société Américaine Flawless a développé une technologie permettant de synchroniser le mouvement des lèvres lors d’un doublage ou de modifier légèrement une scène déjà tournée sans revenir sur le plateau. Et nous n’en sommes qu’au début. Un sujet très sensible qui génère de forte résistance dans un univers inquiet pour son savoir-faire en grande partie artisanal. Si sensible qu’un des deux jeunes réalisateurs que notre journaliste a interrogés a tenu à rester anonyme !

Anonyme, réalisateur :

On en discute énormément entre réalisateurs. C’est un outil formidable, mais c’est aussi un sujet « touchy ». Par exemple, on fait souvent appel à un coscénariste pour nous épauler dans l’écriture. C’est difficile d’écrire à deux car les enjeux et les calendriers ne sont pas les mêmes pour un co-scénariste et un réalisateur. J’entends déjà autour de moi des réalisateurs me dire : « Pour ce projet, je ne co-écris plus, je fais tout avec ChatGPT ». C’est libérateur, car on ne dépend plus d’une autre personne avec laquelle on doit trouver un rythme.  Enfin, ça permet de toucher les cachets sans les diviser avec les co-scénaristes. D’un autre côté, j’ai moi-même beaucoup expérimenté ChatGPT, mais j’ai fini par ressentir les limites. J’arrive à déceler comment l’algorithme construit ses histoires, souvent similaires et vagues. À l’heure actuelle, il ne m’apporte pas autant qu’un échange humain, même s’il peut parfois, c’est vrai, « remettre un peu de charbon dans le feu ».

En matière de création musicale, un compositeur utilisant la Musique Assistée par Ordinateur (MAO) peut jouer n’importe quel instrument avec son clavier et sa souris. D’une façon générale, le progrès technologique se met peu à peu au service des individus et menace le collectif. Dans le cinéma, un metteur en scène va pouvoir minimiser le recours à des aides extérieures. Je parlais de l’écriture, mais le phénomène touche, bien sûr, aux métiers de l’image avec des logiciels comme MidJourney. Ce qui permet par exemple de se dispenser d’un graphiste.

Félix Dobaire, réalisateur :

Je ne suis pas alarmiste, le cinéma ne va pas disparaître ! En revanche, il va être beaucoup plus « horizontal », dans le sens où ces IA vont faciliter la démocratisation des moyens techniques. On est très limité sur la post-production et tout ce qui se passe sur les ordinateurs. Les IA vont permettre progressivement de faire baisser les coûts. Le montage, la stabilisation, les effets spéciaux en post-production qui sont réservés aux grands studios vont, petit à petit, se démocratiser et toucher le grand public tout simplement grâce à la généralisation des IA. De manière générale, ces IA vont faciliter la vie des metteurs en scène. Au fond, ce n’est pas plus mal : c’est déjà assez compliqué de contrôler un tournage ! Il nous fait simplement garder à l’esprit que ce sont de simples outils qui, si on les utilise intelligemment, nous aideront à avancer dans la bonne direction.

(*) École nationale supérieure des métiers de l’image et du son

Propos recueillis par Arthur Debreuil

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