LA DÉCARBONATION PAR L’INNOVATION

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Le 29 juin 2021, Bayer annonçait le lancement européen de son plan carbone. En cohérence avec les objectifs politiques du pacte vert de l’Union Européenne, la société compte réduire de 30% les émissions de gaz à effet de serre sur le terrain d’ici 2030. En France, cinq agriculteurs des fermes partenaires prennent part à l’Initiative Carbone, avec un objectif : optimiser la décarbonation. Rencontre avec Hervé Mesnard, agriculteur partenaire et professeur en IUT de biologie dans la Somme. 

Hervé Mesnard est un féru de la vie des sols, il a fait de l’agriculture intégrée son combat

A quelques kilomètres d’Amiens, après avoir traversé des champs à perte de vue, se trouve une vieille bâtisse. Entourée d’entrepôts et de tracteurs en tout genre, la maison d’Hervé Mesnard est en adéquation avec son environnement, comme si elle n’avait jamais bougé : “Elle appartient à notre famille depuis plusieurs générations” glisse-t-il dans un sourire. L’agriculteur habite au milieu des ses 160 hectares de plantations : colza, betteraves, blé, pommes de terre … Pourtant, il est presque seul à s’en occuper. Sa vie, il la dédie à la biologie et à la compréhension des sols. Adepte de l’agriculture intégrée, Hervé Mesnard n’est ni de l’agriculture conventionnelle ni de l’agriculture biologique : il est entre les deux.

La décarbonation, le résultat d’un ensemble d’outils 

Pionnier de l’agriculture intégrée en France, Hervé Mesnard est d’abord vu comme “un hurluberlu” par ses pairs : “J’ai toujours été très curieux, demandeur des nouveaux moyens de comprendre les enjeux de notre environnement. Je m’intéressais à des logiciels innovants, expérimentais toutes sortes de techniques de piégeage pour les pucerons… Tout cela demandait des sacrifices et des risques vis-à-vis de ma production, ça n’attirait pas tout le monde.” 

Car le principe de l’agriculture intégrée, c’est d’utiliser tous les leviers du bio, sauf le travail intensif du sol, ce qui correspond au labour à répétition. Pourquoi ne pas travailler la terre ? Pour deux raisons : tout d’abord car retourner la terre représente une forte dépense de carbone mais surtout car cette pratique nuit à la vie des sols. Et oui, en dessous de vos pieds vit tout un écosystème autonome. Cette biodiversité, composée de lombrics, champignons, protozoaires est essentielle et nécessaire : ” L’agriculture biologique repose énormément sur le labour ou sur des fongicides (pesticides d’origine naturelle ndlr) comme la bouillie bordelaise, tout ce travail martyrise les sols, s’emporte Hervé Mesnard, je ne veux pas faire de mal à mes petites bêbêtes.”

Ainsi, par son travail moins intensif de la terre, le professeur de biologie favorise la vie des sols, utilise moins de carbone et abîme moins son matériel.  Toutefois, se passer d’un outil aussi efficace que le labour est risqué et “chaque printemps, je m’arrache les derniers cheveux qu’il me reste pour savoir comment je vais travailler les sols” avoue-t-il.  Car rater ses semis (mise en terre des graines, ndlr), c’est perdre toute marge bénéficiaire pour la suite. Il faut donc être précis et doté d’un sens du timing irréprochable. Pour cela, Hervé Mesnard peut compter sur des outils innovants : ses logiciels.

Dotés de stations météo, ils permettent d’anticiper les aléas climatiques, de déterminer les besoins des sols et donc de protéger les cultures en amont. “Cette capacité d’anticipation est centrale, affirme l’agriculteur, mes logiciels me permettent d’anticiper les pluies, les sécheresses et d’adapter les procédés.” Le meilleur exemple est le traitement contre le mildiou. Cette maladie a la particularité d’être irrémédiable quand elle s’attaque à une parcelle et nécessite une intervention à chaque sortie de feuille. Or, le mildiou ne se développe pas à partir d’une certaine température et donc, passé ce seuil, n’a pas besoin d’être pris en compte : “Mes logiciels me préviennent quand je dois traiter ou non, cela me permet de limiter mon utilisation de produits. Des collègues vont intervenir chaque jour, quand moins je ne le ferai qu’un jour sur quatre.” 

Une réduction de traitement bénéfique à tout point de vue, écologiquement et économiquement. Ainsi, si Hervé Mesnard utilise des outils phytopharmaceutiques, il le fait avec minutie et économie : “la génétique est un outil, bien sûr, mais il n’est pas le seul. Il faut ouvrir le champ des possibles et utiliser les autres moyens qu’on nous offre, la phytopharmacie y compris, pour garantir des résultats et le respect des sols.” 

Préserver la vie des sols 

Cette curiosité, ce “champ des possibles”, voilà ce que Hervé Mesnard et Bayer veulent élargir en collaborant. Si les logiciels sont des systèmes fiables, ils ne sont pas les seuls procédés pour préserver les récoltes. La meilleure solution est finalement sous nos pieds, dans nos buissons, gentiment posée sur une branche : la nature elle-même. “Je ne fais que copier la nature. Dans mes parcelles je tente toujours de reconstituer un écosystème proche de celui d’une forêt. Une forêt est auto-suffisante, la nature n’est jamais mieux exploitée que par elle-même.”

 

Les coccinelles d’Hervé Mesnard protègent ses plantations en mangeant les pucerons

 

Alors comment trouver des solutions naturelles aux pucerons par exemple ? Tout simplement en laissant la chaîne alimentaire s’exprimer. Les petites “bêbêtes” si chères à Hervé Mesnard, sont ses auxiliaires de vie : les coccinelles, les carabes (famille d’insectes prédateurs, ndlr) … Ces bestioles se nourrissent des pucerons qui ravagent les plantations. Pour optimiser la pérennité des carabes, plusieurs stratégies sont mises en place, par exemple l’installation de plantations en périphérie des champs pour attirer les pucerons et les coccinelles. Celles-ci, après s’être attaquées aux pucerons sur les plantations environnantes, seront naturellement attirées vers les cultures.

L’utilisation de la biodiversité pour protéger les végétaux est appelée bio-contrôle. Cette méthode de protection ne cesse de progresser, “on fait des découvertes chaque année” se félicite Hervé Mesnard. “On ignore presque tout des écosystèmes sous nos pieds. En ayant une meilleure connaissance de la vie du sol on pourrait tendre vers l’auto-fertilité, c’est-à-dire doper la vie du sol et faire en sorte qu’elle nous apporte ce qu’on donne d’une manière externe (fumier, engrais …).” 

L’agriculteur en est persuadé, une bonne vie du sol peut faire mieux que tous les outils humains : “L’année dernière, nous avons connu de fortes pluies dans la région. Tous les champs étaient noyés. Tous ? Non. Les miens étaient secs dès le lendemain grâce à mon armée de lombrics qui avaient absorbé toute l’eau. J’étais en basket dans mes champs quand les autres étaient en bottes.” Pour comprendre tous les enjeux et respecter leur croissance, plusieurs expérimentations sont développées : “Avec Bayer, nous avons des parcelles tests pour développer les propositions qu’ils me font. Il peut s’agir d’intégration de bactéries dans les sols pour voir leur impact, de système de piégeage d’insectes … C’est une relation gagnant-gagnant, parfois ça rate mais, quand ça réussit, tout le monde est content.” 

Louis Bouchard

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