TOUS LES CHEMINS MÈNENT À ROMY

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Il y a 40 ans, Romy Schneider disparaissait. Le public a retenu d’elle la sensualité, la sensibilité, la liberté dont elle imprégnait les rôles qui firent d’elle une star. En l’honneur de l’actrice chérie des Français, la Cinémathèque à Paris propose jusqu’à la fin juillet une rétrospective ainsi qu’une exposition temporaire. 

 

LA PHOTO

Comme le suggère la Cinémathèque, Romy Schneider fut, comme Marilyn Monroe, l’une des femmes les plus photographiées de son temps. « Elle aime la provocation et, d’une photogénie sans pareille, elle n’a jamais eu peur de dévoiler sa sensualité sous l’œil de la caméra » détaille l’un des cartels fixés sous d’élégantes images de (quasi) nus de l’icône. Aucune fausse pudeur mais une évidence : elle dévoile son corps avec un naturel tranquille. « Mon père a toujours dit “tu as de la chance, tu es photogénique, c’est tout !” » relativisait-t-elle, amusée, inconsciente de tant de beauté. « Le moindre grain de sa peau a été scruté, filmé, analysé, fantasmé, et pour reprendre possession de son corps, Romy Schneider décide d’organiser elle-même des séances photos avec des photographes complices » indique un encadré dans l’exposition. À ce sujet et pour le bonheur des yeux, la Galerie de l’Instant (75003) propose et expose en ce moment des prises de vue de l’actrice. Et il y en a pour tous les goûts – en noir et blanc ou en couleurs, mises en scène ou au naturel.  

 

LE THÉÂTRE

« Si seulement j’avais assez de volonté pour renoncer au cinéma et devenir pour de bon une actrice de théâtre ! » avait-elle un jour confié dans un soupir. Pourtant, de la volonté, Romy Schneider en avait, et sans y consacrer l’essentiel de sa carrière, elle sut avec brio se frayer un chemin vers la scène à deux reprises. D’abord pour Dommage qu’elle soit une putain de John Ford, en 1961. Peu de temps avant, sur le tournage de Rocco et ses frères où elle accompagnait Alain Delon, son amoureux d’alors, elle rencontrait le réalisateur Luchino Visconti qui lui proposait ce rôle. Traqueuse mais déterminée, elle ne faillira jamais devant l’exigence du metteur en scène – même quand une crise d’appendicite l’envoie à l’hôpital à quelques jours de la première. Après ce triomphe sur les planches, elle se glisse l’année suivante dans la peau de Nina, personnage phare de La Mouette de Tchekhov, dans une mise en scène de Sacha Pitoëff. Ces deux parenthèses scéniques ont été captées (en partie) et sont aujourd’hui théâtralement vôtres sur la plateforme Madelen, l’offre de streaming illimité de l’INA. Petit privilège et grand régal.

LA MODE

C’est au tout début des années 60 avec Boccace 70, film à sketchs de Luchino Visconti, encore lui, que Romy apprend à jouer de sa sensualité grâce aux costumes de Gabrielle Chanel, une amie proche du cinéaste italien. « Je me sens française dans mon style de vie et ma vie elle-même. Je le dois à trois personnes : Alain Delon, Luchino Visconti et Coco Chanel », affirme-t-elle en interview. Et comment évoquer le lien entre la mode et Romy sans leur associer le doux nom de Paris ? C’est l’actrice elle-même qui le dit : « J’ai appris en France à vivre et à aimer, à bouger et à m’habiller. J’ai le sentiment que je suis née à Vienne pour vivre à Paris. » Si la parfaite fiancée germanique qu’elle était a réussi plus tard à incarner la femme française par excellence, elle le doit en partie à son art de s’habiller. L’exposition met d’ailleurs en avant quelques robes ou costumes de scène portés par la comédienne ; mais sa pièce de mode phare est sans conteste celle portée aux côtés d’Yves Montand et Samy Frey dans César et Rosalie en 1972 : un ensemble Saint-Laurent rive gauche, en mousseline de soie imprimée quadrillée noir et blanc… Mythique. Le mot de la fin pour Romy Schneider : « L’important ce n’est pas la mode, c’est l’élégance. C’est Chanel qui me l’a appris. » Avouez-le, on l’envie.

 

L’ÉCRITURE

Des écrits de l’actrice, l’exposition de la Cinémathèque en est emplie. Télégrammes les soirs de vague à l’âme, notes griffonnées à la main pour forcer le destin, messages tapés à la machine les orageux jours de spleen.

 

LA MUSIQUE

Polyvalente, Romy chante. En allemand, en français et même en italien. Dans la langue de Goethe, elle donnera le la pour deux chansons inspirées des thèmes musicaux des films Monpti et La Belle et l’Empereur, ou encore pour un air fredonné dans Max et les Ferrailleurs de Claude Sautet. Dans la langue de Molière, c’est évidemment La Chanson d’Hélène, magnifique duo avec Michel Piccoli, qui vient le plus vite à l’esprit. Une mélodie composée par un Philippe Sarde de 22 ans et inspirée du thème musical des Choses de la Vie. Alors qu’elle lui est étroitement liée, cette chanson ne figure pas dans le film : le réalisateur Claude Sautet ne l’aimait pas – personne n’est parfait. Pierre (Piccoli) va mourir et il aurait sans doute quitté Hélène (Romy) s’il avait vécu. Cette chanson est le dialogue qu’ils n’ont jamais eu. “Ce soir, nous sommes septembre” : la fin d’un été pour dire celle d’un amour. Pas de refrain, si ce n’est la phrase à laquelle s’attache le personnage de Romy : « Tu ne m’aimes plus. »

 

LE CINÉMA

Si tous les chemins mènent à Romy, certains vous feront davantage apprécier le voyage que d’autres. Voici un guide cinéma – absolument non exhaustif – de sa filmographie.

Sissi : la trilogie d’Ernst Marischka, (1955, 1956 et 1957)

Pour qui ?

Les romantiques en pleine régression.

Le pitch 

Rien d’autre n’importe ici que l’histoire d’amour entre la jeune et jolie Elizabeth d’Autriche – Sissi pour les intimes – et l’empereur François-Joseph, le parfait Ken germanique. Sirupeuse à souhait. Mais culte.

L’anecdote 

Avec ces trois volumes de Sissi, Romy Schneider devient une vedette absolue en Allemagne et en Autriche. Même en quittant son pays pour Paris, Romy met longtemps à gommer son image lisse et sage de princesse ingénue. Mais en 1958, sa vie va basculer lorsqu’elle choisit sur photo celui qui sera son partenaire de jeu pour son prochain film. Ce jeune premier, à l’époque inconnu ou presque, s’appelle Alain Delon. Elle a du flair, Schneider. Et de la chance, car les deux jeunes stars fileront un temps le parfait amour.

What’s up Pussycat ? de Clive Donner (1965)

Pour qui ?

Les fans de Woody Allen.

Le pitch 

Michael, rédacteur en chef d’un magazine de mode parisien, est un serial séducteur. Incapable de dépasser sa peur de l’engagement avec sa compagne Carole, il consulte un psy – qui lui aussi a deux ou trois problèmes relationnels à régler.

L’anecdote 

Avec un Woody Allen tout minot à l’écran et au scénario, ce film ne pouvait être qu’empreint de son légendaire humour juif new-yorkais. C’est donc en bonne compagnie que dans les 60’s, Mlle Schneider ouvre une parenthèse américaine et s’essaie pour l’occasion au genre de la comédie romantique. Lancée à la conquête d’Hollywood par un contrat signé avec la Columbia pour six films, la jeune allemande déchante rapidement : l’ambiance locale, la pression et la course effrénée à la célébrité lui donnent le mal de l’Europe.

 

La Piscine, de Jacques Deray (1970)

Pour qui ?

Les célibataires, un soir pluvieux de Saint-Valentin.

Le pitch

Jean-Paul (Alain Delon) et Marianne (Romy Schneider), power couple, vivent la dolce vita dans leur villa l’été à Saint-Tropez. Mais c’était sans compter sur l’arrivée d’Harry (Maurice Ronet) et de sa fille (Jane Birkin).

L’anecdote

L’été 1968, une belle maison au bord de la mer, le soleil de Ramatuelle, et surtout Delon et Romy en plein revival, à l’écran, de leur histoire d’amour. Depuis quelques années déjà, leur idylle est terminée, mais Alain Delon, grand prince, a imposé son ex-fiancée comme partenaire de jeu. C’est le film qui relance la carrière de Romy. Entre eux une scène de baisers mouillés, tout en sensualité, tout au bord de la piscine… I-cô-nique.

Ludwig, de Luchino Visconti (1972)

Pour qui ?

Les nostalgiques de Sissi.

Le pitch

La vie romancée de Louis II de Bavière (le cousin de Sissi) défile, de son ascension au trône à sa mort tragique. Conçu comme une fresque historique baroque, ce film est un opéra de la folie. Et un Sissi revival.

L’anecdote

Comme un pied de nez à ses débuts de comédienne, Romy accepte ici de reprendre le rôle de l’impératrice qui l’a rendue célébre. « Luchino [Visconti] et moi on la voit exactement de la même façon, Elizabeth [Sissi]. Le contraire de ce que les gens pensent ou ont vu. » Très attaché à celui qu’elle appelle “son maître”, elle dédiera son césar de la meilleure actrice, en 1976 – année de la toute première cérémonie – au cinéaste italien, décédé quinze jours plus tôt.

 

César et Rosalie, de Claude Sautet (1972)

Pour qui ?

Les ménages à trois.

Le pitch

Chassés-croisés entre Rosalie, son nouvel amoureux César et son ancien amant David. Entre le premier (Yves Montand) et le second (Sami Frey), choisissez votre camp. (#TeamDavid)

L’anecdote

Se gardant de qualifier Romy d’“écorchée vive”, Sautet préférait parler d’une femme “qui n’était pas paisible”. Seyante formule à l’élégant euphémisme – vous a-t-on déjà dit que Sautet rime avec subtilité ? – Au-delà de cela, Claude Sautet est l’homme de cinéma qui fit de Romy Schneider la femme en qui tous et toutes aiment se projeter et se reconnaître. Ensemble, ils inventent la femme française moderne à travers cinq collaborations cinématographiques emblématiques des années 70.

L’important c’est d’aimer, de Andrzej Zulawski (1975)

Pour qui ?

Les écorchés vifs.

Le pitch

Une jeune actrice à la dérive se voit contrainte de jouer dans des films porno pour gagner sa vie. Tombé sous son charme, un jeune photographe-reporter se rend chez elle pour une série de photos.

L’anecdote

Ce film permet à Romy de remporter le premier César de la meilleure actrice de l’Histoire. Mais le tournage fut pour elle éprouvant, probablement en raison de sa liaison tumultueuse avec Jacques Dutronc, son partenaire de jeu. « Romy était totalement sincère. Le film ne s’arrêtait pas après les prises. Elle aimait la personne qu’elle devait aimer dans le film. Elle vivait le film en dehors, donnait tout sans recevoir en retour. Une femme extraordinaire. » avoua-t-il à demi-mot. Autant vous dire que Françoise Hardy n’en était pas jouasse.

 

La Mort en direct, de Bertrand Tavernier (1980)

Pour qui ?

Les voyeuristes. 

Le pitch

Un producteur de télévision greffe une minuscule caméra dans l’œil d’un cameraman pour capter, en temps réel et à son insu, les derniers instants d’une jeune femme condamnée par la maladie.

L’anecdote

L’intrigue du film se fait l’étrange écho de l’acharnement médiatique dont souffrait Romy Schneider dans sa propre vie. Les questions intrusives des journalistes, les regards indiscrets de tous côtés, l’insistance maladroite des fans, l’invasion des paparazzi dans son intimité… On y frôlerait presque l’autobiographie et sans doute l’actrice a-t-elle mis beaucoup d’elle-même dans ce rôle. Autre anecdote, plus sombre encore : à partir de La Mort en direct, Romy ne jouera plus que des personnages qui meurent. Un choix ou un hasard tristement prophétique, hélas.

La Passante du Sans-Souci, de Jacques Rouffio (1982)

Pour qui ?

Ceux qui ont le cœur bien accroché. 

Le pitch 

Paris, 1981. Le président d’une association de lutte pour les droits de l’Homme est emprisonné pour le meurtre de l’ambassadeur du Paraguay. Il livre à son épouse son histoire et les raisons de son acte.

L’anecdote

Dans son journal, Romy Schneider écrivait qu’elle confondait la vie et le cinéma. C’est là en partie ce qui rendait sa présence à l’écran si intense. Dans ce film, le dernier avant sa disparition brutale, cette porosité entre réel et fictif revêt une dimension hautement douloureuse : Romy joue aux côtés d’un jeune garçon de l’âge de son fils David, alors que ce dernier vient de rencontrer la mort dans un accident tragique. Épuisée par sa propre déchirure de mère, Romy verse dans ce film des larmes qui ne sont pas du cinéma.

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