Rien ne destinait le jeune Plamen Roussev, des rêves de succès plein son archet, à connaître la réussite en France. Ce musicien bulgare, successivement violoniste, puis saxophoniste, émigré dans sa jeunesse, passe clandestinement à l’Ouest un soir de 1969 sans se faire arrêter. A l’occasion de la sortie de son livre, autobiographie enrichie d’anecdotes savoureuses, Planem se raconte. Retour sur un parcours hors-norme.
Jeune bulgare de huit ans, un violon en poche, sourire sur les lèvres, Plamen Roussev mènera la barque de sa vie sur l’océan d’une symphonie musicale qui s’écrit, sûrement, autant qu’elle s’improvise.
Son tempérament de fer se révèle très tôt. Il comprend vite que son pays natal, nourri au biberon du communisme, risque fort de ne pas satisfaire ses aspirations. En 1969, à vingt-sept ans, la vie politique en Bulgarie est dominée par le parti communiste, ce qui ne laisse guère d’espoir au jeune musicien dans l’âme de vivre son rêve symphonique. Après quelques années au sein de l’orchestre des jeunes musiciens bulgares, il abandonne le violon pour le saxophone.
Il prend le large pour tenter sa chance. Roussev, comme le montrent ses premières audaces de jeunesse, aventurier dans l’âme, voit son cœur chavirer plus d’une fois arrivé à Paris. Il ne le sait pas encore, la France lui réserve d’heureuses surprises.
Il arrive à Paris sans un sou. Ou presque. Il bricole, se débrouille comme il peut, continue de faire musicien – ce qui lui permet de rencontrer des femmes. Beaucoup de femmes. Elles tombent sous son charme, lui font découvrir leurs milieux respectifs, mondains, bourgeois, aristocratiques. Ceux de l’argent, en somme. Le musicien se transforme progressivement en homme d’affaires. Il sait se débrouiller, a le sens des économies, l’ambition d’étendre ses succès au dessert d’un financier. Il entreprend de redresser le gouvernail du navire amiral, contribue aux finances du grand magasin Roussev Sport, à Montparnasse, désormais accompagné des enseignes Pomme de Pin, Old River, Alain Manoukian, Häagen Dazs, La Chaussetterie, Lacoste, Levi’s, André… autant d’enseignes sur lesquelles Roussev parie, réussit. Pour lui, la réussite n’est pas un but, mais un chemin. Celui qui mène de la pauvreté bulgare à celui de la liberté.
La passion de la musique revient sur le tard. A 66 ans, il enregistre son premier album. Exemple de réussite improvisée, Plamen Roussev a emprunté le parcours de la chance autant que les chemins de l’audace. Aujourd’hui, il se propose de redistribuer les gains de sa chance, en finançant, notamment, la fondation de Claude Lelouch, Les Films 13.
Claude Lelouch, pour rappel, c’est l’homme qui a rendu le miracle possible. A ses débuts, difficile de trouver des producteurs dont le porte-monnaie aligne les sous avec les trois francs de sa vision encore débutante. Lelouch se débrouille. Peu à peu, il parvient à rallier des producteurs à sa cause. De façon étonnante, quasimment loufoque, son film qui remporte le plus franc succès est l’un de ceux dont les coûts ont été les moins chers; avec Un homme et une femme (1966), il triomphe à Cannes et à l’international ; Palme d’or à Cannes, Oscar du meilleur film étranger, le film lance sa carrière.
Destinée aux amoureux du cinéma, la fondation Lelouch, à but non lucratif, est accessible sur un concours dont seule la thématique change. Sésame d’entrée: réaliser un court-métrage de six minutes, tourné sur smartphone. Les portes sont ouvertes à tous. Les treize meilleurs auront l’occasion de suivre une formation d’un an, totalement gratuite, entrecoupée d’ateliers, d’exercices et de masterclass avec des grands noms du cinéma national et international. S’il y a peu d’élus, la taille réduite des promotions permet une année d’enseignements pressés par la lenteur, pédagogue, d’une formation dont la qualité n’est plus à défendre. Ils apprendront, tour à tour, les métiers de la mise en scène, de l’écriture de scénario, de la production, du montage et de l’étalonnage. L’ambition première: former des réalisateurs.
Pour la promotion 2022, les candidatures débutent le 18 octobre 2021, se clôturant le 5 janvier 2022. Le sujet est le suivant: raconter une histoire en plan séquence. Requis, uniquement: un smartphone, six minutes d’invention exécutées, le fruit de votre imagination.
Auriane Martino