Dans quelles startups investir ? Par Nicolas Dufourcq, financeur en chef de la BPI

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Grand boss de la Banque Publique d’Investissement, Nicolas Dufourcq reçoit, évalue et tri avec un comité d’investissement les dossiers de milliers d’entreprises chaque année. Projets techs, artistiques, dans le médical… L’éventail est large. Ses conseils et prévisions sur les startups à suivre. 

 

Quels sont les projets les plus épatants dans lesquels vous avez investi ? 

Vous me forcez à mobiliser ma mémoire ! Je passe ma vie en comité d’investissement, le portefeuille de Bpifrance est maintenant très large, nous sommes présents  directement et indirectement au capital de 20 000 entreprises françaises. Je vais vous donner des exemples. Il y a une entreprise que tout le monde connaît, c’est Doctolib. Entreprise magnifique, complètement structurante pour les Français aujourd’hui. Pendant la crise du Covid, Doctolib a joué  un rôle de quasi service public. C’est une très belle startup, créée il y a neuf ans. Il faut donc neuf ans pour faire un Doctolib : ça prend du temps ! Autre exemple : Point Vision, qui construit un système de cabinets d’ophtalmo en France pour que l’on n’ait pas à attendre neuf mois pour avoir son rendez-vous. Elle va, je pense, connaître une très grande réussite. Une autre entreprise, cette fois-ci dans la production audiovisuelle : Fédération, qui fait Le Bureau des Légendes. Ils font une vingtaine de séries, c’est une espèce de studio Hollywood français. Sinon, nous faisons fait travailler les artistes, c’est intéressant que les lecteurs le sachent ! Par exemple, on a demandé aux Penelopes de créer des hymnes musicaux pour nos communautés d’entrepreneurs. On a également organisé la tournée French Touch. Quinze concerts pour soutenir les artistes pendant le confinement, qui ont été diffusés notamment sur Canal Satellite : trois concerts classiques, un concert de jazz, un concert de rap, des concerts de pop…. 

Dans quelles startups devrions-nous investir ?

La question est virtuelle car ces entreprises ne sont pas cotées, ce qui veut dire que les particuliers ne peuvent pas techniquement investir dedans… Je peux citer Cardiologs, dans le domaine de l’intelligence artificielle de la cardiologie. Bel exemple. Également Content Square, qui a déjà explosé dans le domaine de l’analyse de l’expérience client digitale, qui est valorisée plus d’un milliard. On peut mettre aussi Livestorm, très utile durant le Covid. C’est le Zoom français ! Un logiciel de vidéoconférence formidable. On est là aussi pour valoriser les alternatives françaises aux solutions américaines. On peut égalementciter Openclassrooms, qui permet de se former au codage en ligne. 

On ne peut pas investir dans ces startups ?

Pour certaines, indirectement, si ! Par exemple, une partie de notre portefeuille a été partagée à qui voudrait investir et Openclassrooms comptait parmi les
1 500 entreprises dont vous pouviez acheter un petit bout dans un grand pack, commercialisé entre octobre et juin dernier.

Vous recevez énormément de propositions de projets. Qu’est ce qui fait la différence pour vous ?

C’est une affaire de personnes. Comme pour une maison d’édition, on choisit les meilleurs manuscrits. Quand vous gardez un manuscrit, c’est que vous sentez que vous avez du feu dans les mains. Notre métier, c’est d’avoir le flair !
Et l’angoisse de notre travail, c’est de refuser un manuscrit exceptionnel. 

Vous êtes déjà passé à côté de projets exceptionnels ?

Bien sûr ! On est passés à côté de Mirakl. Aujourd’hui, c’est une entreprise remarquable valorisée à plus d’un milliard d’euros. Mais c’est un métier difficile… Nous devons appliquer une forte sélectivité, sur des projets qui nous sont présentés très en amont et sur lesquels il est parfois difficile de se projeter. 

Vous oseriez investir dans un journal aujourd’hui ?

Par chance, le secteur de la presse nous est interdit, parce qu’opinion politique et banque publique ne peuvent fonctionner ensemble…
En revanche, on a investi dans Brut ! À l’époque, ils étaient moins connu qu’aujourd’hui. C’était un média très pointu, pas encore grand public… Aujourd’hui, nous créons notre propre média : Big média. Avec énormément de témoignages de chemins de vie d’entrepreneurs. C’est passionnant !

Comment être au courant de la prochaine commercialisation du portefeuille de fonds de Bpifrance?

Pour le lancement du fonds Bpifrance Entreprises 1, il y a eu beaucoup d’articles de presse. Bruno Le Maire qui soutenait l’initiative en a parlé dans les médias. Nous en avons nous-même fait largement la promotion ! Près de 5000 Français ont acheté le produit. Et là on le relance en  février 2022, j’espère qu’on va arriver à toucher jusqu’à 10 000 Français. 

Quand vous invitez les Français à investir dans votre portefeuille, vous êtes sûrs que ça va marcher ?

Certains. On ne peut pas promettre de rendement car cela demeure de l’investissement et le capital n’est pas garanti.Mais grâce à notre longue expérience, nous sommes sereins sur la qualité du produit. 1 500 boîtes constituent le fonds, le portefeuille est donc large et diversifié. On ne peut pas vous garantir un pourcentage de création de valeur par an, ni qu’il n’y aura pas de perte. Mais on sait qu’à partir du moment où on met autant d’entreprises dans un produit à 5 000 euros (2 euros par boîte), l’exposition au risque est amoindrie. Parmi les 1 500 entreprises, il y a par exemple OpenClassrooms dont nous avons parlé précédemment. Bpifrance Entreprises 1 c’est un melting pot avec des pépites dedans. Ceux qui ont investi la fois dernière ont déjà eu un retour 1,3 positif. En un an. C’est quand même très attractif. Il est donc possible de mettre ses sous dans les manuscrits choisis par Bpifrance !

Votre prochain événement, BIG ?

Bpi France Inno Generation est le grand rendez-vous annuel de tous les entrepreneurs. Gratuit, il se tient en octobre à l’Accor Arena. Il s’adresse aux entrepreneurs, ceux qui auraient pu l’être et ceux qui veulent le devenir. Nous faisons intervenir des artistes, des metteurs en sècne qui sont eux aussi des entrepreneurs. L’an dernier, des peintres sont venus nous livrer leur vision de la liberté, comme Gérard Garouste. Ils ont chaque fois sept minutes pour s’exprimer, être sincère. Et ça marche ! Je mélange les artistes et les entrepreneurs, parce qu’en fait ils disent la même chose. Nous avons aussi la chance de recevoir des ministres du
gouvernement.

 

Par Léontine Behaeghel

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